L’exercice d’une activité commerciale aujourd'hui va de pair avec la location d’un local commercial, ce qui soulève la problématique de la conclusion des baux commerciaux et de leurs effets.
- Qu’est-ce qu’un bail commercial ?
Le bail commercial se définit comme un contrat ayant pour objet la location d'un local affecté à l’usage d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale. Il doit être conclu pour une durée minimale de 9 ans.
Il est aujourd’hui régi par les dispositions spéciales du Code de commerce se trouvant aux articles L145-1 et suivants et R-145-1 et suivants.
La forme du bail commercial est en principe libre. Il peut être conclu sous forme orale. Cependant, afin d’en conserver une preuve, il est préférable de favoriser la forme écrite, notamment en cas de litige.
- Quels sont les différents types de baux commerciaux ?
Les dispositions relatives aux baux commerciaux s’appliquent à divers baux :
- Les baux d’immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité ;
- Aux baux de locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce ;
- Aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal ;
- Si le fonds est exploité sous forme de location-gérance[1] .
- Est-il plus avantageux pour un preneur de signer un bail égal à 9 ans ou supérieur à 9 ans ? [2]
La durée de conclusion du bail commercial a une incidence lors du renouvellement de celui-ci, notamment en ce qui concerne le montant des loyers.
- La signature d’un bail commercial d’une durée égale à 9 ans est plus avantageuse pour le preneur. En effet, cela permet notamment au preneur de conserver une faculté de résiliation à l’issue de chaque 3 ans à condition de respecter les formes et les délais relatifs au congé.
- La signature d’un bail commercial d’une durée supérieure à 9 ans quant à elle serait désavantageuse pour le preneur. En effet, si le bail a une durée supérieure à 9 ans, la règle du plafonnement des loyers n'est pas applicable lors du renouvellement. Cela signifie que lors du renouvellement, le loyer sera fixé de plein droit à la valeur locative (article L. 145-34 du Code de commerce).
- Quelle est la spécificité du bail commercial par rapport au bail dérogatoire ou bail civil ?
La principale spécificité du bail commercial par rapport au bail dérogatoire ou au bail civil réside dans la durée de ceux-ci. En effet, le bail dérogatoire est un bail de courte durée qui permet au preneur de louer un local pour exercer son activité. Cette durée est de 3 ans maximum alors que la durée du bail commercial est de 9 ans minimum[3] . Il n’est pas soumis à la législation relative aux baux commerciaux, mais par l’article L. 145-5 du Code de commerce.
Quant au bail civil, il est régi par les dispositions du Code civil et est principalement soumis à la liberté contractuelle. Il s’agit également d’un bail de courte durée, donc il n’est pas envisagé pour des relations qui s’étendraient sur le long-terme à la différence du bail commercial.
- Qui sont les parties au bail commercial ?
Le bail commercial est un contrat qui lie principalement deux parties : le bailleur qui est le propriétaire du local à usage commercial, industriel ou artisanal et le locataire ou preneur à bail.
- Quelles sont les obligations des parties ?
Le bail commercial est un contrat qui lie deux parties qui ont alors chacune des obligations spécifiques.
Le bailleur est tenu à une obligation de délivrance qui consiste à mettre la chose louée à la disposition du locataire ou preneur, de l’entretenir et de lui en permettre la jouissance paisible.
Il est également tenu à une obligation de garantie qui concerne les vices du bien loué, mais aussi à une garantie d’éviction du locataire.
Le preneur à bail ou locataire est tenu à une obligation principale : celle de payer le loyer aux échéances prévues. Cette obligation est d’autant plus importante qu’il peut être prévu une clause résolutoire dans le bail commercial, selon laquelle en cas de défaut de paiement, la résiliation du bail interviendra de plein droit.
Le preneur doit jouir paisiblement des locaux, effectuer les réparations locatives qui lui incombent et est tenu des éventuelles dégradations des lieux.
Le preneur doit également respecter la destination contractuelle des lieux, c’est-à-dire qu’il ne doit pas en faire un usage différent de ce qui était prévu initialement dans le bail commercial.
- Quelles sont les règles relatives aux loyers en matière de bail commercial ?
En matière de bail commercial, le loyer initial est librement déterminé dans le contrat, c’est-à-dire qu’il est librement fixé par le preneur à bail et le locataire. Aucun plafonnement n’est imposé au bailleur concernant le loyer.
Le loyer peut être variable. Cependant, certaines formalités devront être respectées. En effet, il faut qu’une clause de loyer variable ou « clause-recettes » soit expressément stipulée dans le contrat. Elle doit alors prévoir que le loyer va dépendre, en totalité ou en partie, d’un certain pourcentage de recettes du preneur (issu du chiffre d’affaires ou du revenu brut d’exploitation).
La révision du loyer se fait tous les 3 ans. Elle n’est pas automatique, elle doit résulter de la volonté de l’une des parties et elle est strictement encadrée par les dispositions du Code de commerce.
- Peut-on indexer les loyers ?
Le loyer peut être affecté de ce qu’on appelle une clause d’indexation ou « clause d’échelle mobile ». Si cette clause est insérée dans le bail, le loyer va varier automatiquement en fonction de la variation d’un indice choisi par les parties, à la hausse ou à la baisse. Les parties ne pourront pas déroger au jeu de la clause et à l’aléa qui en nait.
- Quelles sont les règles relatives aux charges en matière de bail commercial ?
Les parties à un bail commercial sont redevables des charges et accessoires découlant respectivement de leur qualité de propriétaire et de locataire. Ces charges et leur répartition doivent être énumérées précisément dans le contrat de bail.
Le locataire est en principe redevable des seules charges locatives. Toutefois, le bailleur peut s'exonérer d’une partie des charges dont il est redevable par l’intermédiaire de divers transferts de charges[4] .
Quelles charges le bailleur peut-il mettre à la charge du preneur ? Le bailleur doit préciser dans le contrat la répartition des charges, qui se fait en fonction de la surface exploitée par le locataire.
En principe, la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement sont imputables au locataire ; de même que les dépenses liées aux travaux d’entretien.
Les charges, impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire sont aujourd'hui codifiés à l’article R. 145-35 du Code de commerce. Cet article énonce notamment que ne peuvent être imputés au locataire et doivent donc être imputés au bailleur :
- Les dépenses relatives aux grosses réparations ainsi que les honoraires liés à la réalisation de ces travaux. Il faut entendre par « grosses réparations », celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, ainsi que celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations, qui n’entrent pas dans ces catégories, sont des réparations d’entretien qui devront être imputées au locataire.
- Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations.
- Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l’immeuble.
En cours de bail, le bailleur est tenu d'informer le locataire de tout élément susceptible de modifier cette répartition des charges. [5]
- Le bail commercial peut-il faire l’objet d’une sous-location ?
La sous-location est l’acte par lequel un locataire (qualifié de locataire principal) va consentir une location à une autre partie. Elle est en principe interdite sauf stipulation contraire du bail ou accord du bailleur.
- Que signifie « donner congé » en matière de bail commercial ?
En matière de bail commercial, « donner congé » signifie « résilier le contrat ». Cette faculté de résiliation est soumise à des formalités assez contraignantes.
Le preneur dispose de la faculté de donner congé. Cela signifie qu’il peut résilier le bail avant que les 9 années ne soient écoulées. Il peut le faire à tout moment en cas d’invalidité, de départ à la retraite ou encore de décès. Hors ces cas explicitement prévus, la résiliation n’est possible qu’à expiration de chaque période triennale (chaque 3 ans).
De plus, il faut respecter un préavis. En effet, le congé doit être donné au moins 6 mois à l’avance par acte extrajudiciaire (c’est-à-dire par l’intermédiaire d’un huissier) ou par lettre recommandée avec avis de réception.
Le bailleur quant à lui dispose également d’une faculté de résilier le contrat, mais dans des cas exceptionnels strictement énoncés par la loi (en cas de construction, reconstruction, ou surélévation de l’immeuble, en cas de démolition, ou de reprise des locaux d’habitations qui seraient accessoires aux locaux commerciaux[6] ). Cela ne signifie pas que le bail commercial prendra fin de façon automatique. Le bailleur doit donner congé sans possibilité de renouvellement au locataire par acte extrajudiciaire (par l’intermédiaire d’un huissier) en respectant un délai de préavis de 6 mois et en procédant au versement d’une indemnité d’éviction.
- Quelles sont les conséquences d’une clause résolutoire dans le bail commercial ? [7]
La clause résolutoire intervient lorsque la rupture du bail commercial a lieu en raison de faute commise durant son exécution. Elle est régie par l’article L. 145-41 du Code de commerce. Elle doit être expressément stipulée et est d'interprétation stricte. Elle ne produit effet qu’un mois après un commandement d’exécuter n’ayant pas abouti. Cette condition vise à protéger le preneur.
Dans le cas, où la clause résolutoire n’aurait pas été stipulée, le bailleur victime des infractions d’un preneur devra saisir le tribunal judiciaire (ancien TGI) afin de faire prononcer la résiliation judiciaire du bail. Pour solliciter la résiliation judiciaire, il faut que certaines conditions soient respectées et notamment que le manquement du locataire soit suffisamment grave. La gravité du manquement sera soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond.
- Quelles sont les conditions de renouvellement du bail ?
Le locataire qui souhaite renouveler son bail doit faire une demande de renouvellement dans les 6 mois précédant l’expiration du bail. Cette demande doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire (notification par acte d’huissier) ou par lettre recommandée avec avis de réception. Le bailleur devra alors accepter le renouvellement de manière expresse ou tacite (en cas de non-réponse).
L’article L. 145-9 du Code de commerce dispose que lorsque le bail ne fait l’objet ni d’un renouvellement ni d’un congé, celui-ci est tacitement reconduit. Cette reconduction tacite ne peut donc être évitée que par le congé ou une demande de renouvellement du locataire 6 mois avant la date d’expiration du bail commercial.
Dans le cas d’une tacite reconduction, il s’agit de la continuation du bail initial donc les obligations respectives du bailleur et du preneur restent les mêmes. Alors qu’en cas d’acceptation d’une demande de renouvellement, la durée du bail renouvelé sera de 9 ans et le montant des loyers issu du renouvellement correspondra à la valeur locative.
La tacite reconduction engendre certains risques pour le locataire car il est prévu que si le bail est prolongé au-delà de 12 ans du fait d’une tacite reconduction, le mécanisme de plafonnement du loyer ne s’appliquera plus. Dès lors le bailleur pourra augmenter le loyer et locataire se retrouvera donc avec un loyer déplafonné à payer. [8]
- En quoi consistent les mécanismes de plafonnement et déplafonnement en matière de renouvellement ?
Le mécanisme de plafonnement est régi par l’article L. 145-34 du Code de commerce. Selon cet article, le loyer du bail renouvelé, en principe fixé à la valeur locative du local lors du renouvellement ne pourra pas dépasser le loyer initial du bail ayant expiré augmente du taux de variation de l’indice de référence calculé sur la durée du bail ayant expiré[9] .
La loi Pinel du 18 juin 2014 a modifié les règles relatives au déplafonnement concernant les baux commerciaux. Désormais, il existe des hypothèses de déplafonnement aux articles L. 145-34 et L. 145-36 du Code de commerce : Le bail commercial conclu pour plus de 9 ans, le bail commercial tacitement reconduit depuis plus de 3 ans, l’existence d’une modification notable de certains éléments permettant de déterminer la valeur locative du bail commercial, la destination des locaux. Le loyer qu’on dira alors « déplafonné » sera fixé à la valeur locative et pourra même dépasser le plafond.
Cette loi a cependant encadré la hausse du loyer qui résulterait d’un déplafonnement afin que l’augmentation ne puisse pas excéder chaque année 10% du loyer précédent. [10]
- Que se passe-t-il en cas de non-renouvellement du bail commercial ?
Le bailleur n’est jamais obligé de renouveler le bail, mais il existe ce qu’on appelle un droit au renouvellement du bail qui est issu de la loi du 30 juin 1926 et codifié à l’article L. 145-8 du Code de commerce. C’est un droit d’ordre public, ce qui signifie qu’on ne peut pas y déroger.
Ce droit au renouvellement permet au locataire, lorsqu’arrive expiration du bail, de conserver la jouissance du local nécessaire à son activité en obtenant la conclusion d’un nouveau contrat.
A défaut de renouvellement, ce droit peut lui permettre de recevoir une indemnité qui sera égale au préjudice découlant de la perte de jouissance du local et de l’obligation de quitter les lieux (indemnité d’éviction).
Comme vu précédemment, le bailleur n’a pas d’obligation de renouveler le bail. Il a le droit de refuser. Dans ce cas, il aura l’obligation de verser au locataire une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par l’absence de renouvellement. Cette évaluation du préjudice sera alors effectuée par le juge au jour de l’éviction du locataire.
Le locataire qui peut prétendre à cette indemnité d’éviction n’a alors pas d’obligation de quitter les lieux avant d’avoir reçu celle-ci.
Dans cette hypothèse, il existe un droit de repentir pour le bailleur. Cela signifie que jusque’à expiration d’un délai de quinze jours à compter de la décision judiciaire fixant l’indemnité d’éviction, le bailleur peut se soustraire au paiement de celle-ci et consentir au renouvellement du bail. Ce droit peut être exercé que si le locataire n’a pas encore quitté les lieux. Il s’agira alors de la conclusion d’un nouveau bail.
Le bailleur peut refuser le renouvellement sans indemnité d’éviction, mais il devra justifier ce refus par un comportement fautif du locataire comme le non-paiement des loyers ou un manquement à une de ses obligations[11] .
Dans ce cas, le bailleur doit mettre en demeure par acte d’huissier le preneur afin de lui permettre de régulariser la situation lorsque cela est possible. S’il n’y a pas régularisation, le bailleur pourra alors se fonder sur le manquement afin de justifier le refus de renouvellement.
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